La new wave désigne un mouvement musical apparu dans les années 70 avec l'impulsion du punk et la volonté de renouveler le rock.

L'utilisation de cette étiquette, empruntée à la Nouvelle Vague du cinéma français, pour qualifier des ramifications du rock et de la pop est sujette à de multiples définitions floues et divergentes, en partie du fait que sa signification a fluctué pendant toute cette période.

Malcolm McLaren proposa le terme dès 1976 comme un synonyme du punk anglais, à la fois pour sa connotation avant-gardiste et pour se réclamer des situationnistes. En quelques mois, Caroline Coon (Melody Maker) l'utilisa pour décrire une esthétique similaire au punk mais distincte #. Seymour Stein (Sire Records) le promut fortement pour marquer une séparation décisive avec le mot « punk » et ses connotations controversées empêchant l'accès de ses groupes au public américain #.

Le New Musical Express parla alors indifféremment de « new wave » pour une grande variété de groupes et de songwritters, dont le seul point commun semblait être une certaine ironie et une prise de distance par rapport à l'optimisme béat dominant les divers courants de la musique post-hippie. Le terme était devenu un moyen de rendre compte d'un certain état d'esprit moderne et iconoclaste né avec le punk # et de groupes qui tentaient de s'affranchir des mouvements rock du passé tant musicalement que thématiquement #.

Fin 1977, Jon Savage, Vivien Goldman et Sandy Robertson (Sounds) essayèrent de rassembler toutes les nouvelles idées musicales sous l'appellation « new musick », soulignant certains rapports réels avec la musique électronique, le dub et le disco, au sein de cette approche dispersée qui annonçait l'avenir du punk #. Ce versant industriel et dystopique fut sous-titré « cold wave » #. En 1978, Yves Adrien (Rock & Folk) préférait « afterpunk » pour en promouvoir l'intellectualisme, la distanciation et la modernité ; et « afterwave » pour remarquer la méfiance de ces nouveaux courants à l'égard du rock et l'effondrement de la new wave originelle #. Il se fit également l'apôtre du concept de « novö » censé traduire l'esprit dissident de cette époque #. Mais ce fut le terme « postpunk » qui s'imposa les années suivantes #, pour désigner les groupes qui mêlaient au dépouillement et la concision issus du punk des éléments non rock #.

De 1981 à 1983, les journalistes musicaux britanniques remplacèrent « new wave » par « new romantic » ou « new pop » #, à propos de ces mouvances délibérément légères et tournées vers l'image qui connurent rapidement un succès massif dans le monde entier #. Aux Etats-Unis, la presse parlait volontier de « new music » à propos de cette Second British Invasion #.

Vite abandonnée dans le monde anglo-saxon, la notion de « new wave » a longtemps persisté en France, désignant des chanteurs et formations issus de courants des années 80, souvent en contradiction avec son utilisation historique #.


Histoire

Le punk rock originel insuffla une incroyable impulsion pour la construction d'une alternative au milieu des années 70 #. Mettant l'accent sur une attitude hautement critique face à l'auto-indulgence du prog rock et à la solennité du stadium rock, il évoquait l'époque où le rock était synonyme de rébellion, d'excitation et de fun ##. Mais pour cela, il récusait les idées de progression et de maturité promus par les années 60 et qui donnèrent naissance aux sophistications de la décennie suivante #. S'inspirant du garage rock et du pub rock qui se voulait un retour aux fondamentaux, un savoir-faire oublié : le rhythm-and-blues blanc des plus virulentes formations british beat #. Paradoxalement, ce mouvement si révolutionnaire dans l'histoire du rock fut en réalité le fruit de désirs réactionnaires #.

Musicalement, cette contestation ne pouvait finalement pas réussir à renverser totalement la vieille vague, à cause de sa démarche trop puriste, se servant de conventions très codifiés et maintenant des idées préconçues sur ce que devait être le vrai rock #. Certains aspects manquaient, il fallait un point de vue différent, mais avec le même impact #.

Pour poursuivre cette révolution inachevée et dépasser les limites du punk, il fut alors nécessaire d'apporter au rock de nouvelles ambitions, en explorant de nouvelles possibilités sonores, au-delà de ses frontières traditionnelles #. Un certain versant du rock, visionnaire et artistique - qui inclut, entre autres, le Velvet Underground, quelques outsiders comme Captain Beefheart, le kraut rock ou encore la partie la plus intellectuelle du glam rock - avait déjà montré qu'un rock moderne, ambitieux et en rupture avec ses académismes, était possible.

David Bowie, dont la carrière fut marquée par de nombreux changements, avait déjà popularisé l'exigence du constant renouvellement à l'origine de la posture postpunk. Son défrichage berlinois, au côté de Brian Eno et Iggy Pop, témoigna d'un « nouvel européanisme » annonçant une musique moderne, urbaine et tournée vers l'avenir #.

Les nouveaux groupes paraissaient s'intéresser à tout ce qui étaient émergeant mais aussi à un passé relativement proche, perçu comme un patchwork d'influences possibles #. Les racines noires de ce nouveau rock, arraché au blues, devinrent rapidement le funk et le reggae. La basse et la batterie furent alors placées au centre des compositions, faisant descendre la guitare de son piédestal. A cela s'ajoute une confiance moderniste dans la possibilité de créer des nouveaux sons avec cet instrument, une nécessité de ne pas répéter le rock'n'roll et ses textures associées au blues et au folk électrifiés : carillons byrdiens, distorsion, wah-wah, ... #.

Il s'agit également d'une période d'expérimentation des techniques de chant et d'écriture. Avec par exemple, l'utilisation de stratégies obliques et complexes pour mettre en scène les mécanismes de la culture pop, ou encore la recherche d'innovations en termes langagiers ou narratifs : traitements ironiques de sujets anodins, réalismes enchantés, visions urbaines, incantations hallucinatoires, dissonances vocales, angoisses et malaises existentialistes, ... #

Les repères de l'industrie du disque avaient été bouleversés par le punk qui sensibilisa le public à la nouveauté, mais laissa les règles esthétiques dans le flou de sorte que tout projet un tant soit peu hors normes avait sa chance #. L'incapacité des majors à soutenir les nouveaux groupes imposa d'appliquer le do-it-yourself. L'exigence d'un contrôle total fut à l'origine d'autoproductions et de la création de labels indépendants : Stiff, Industrial, Rough Trade, Factory, Cherry Red, Fast Product, Mute, Fiction, Zoo, Subterranean, Postcard, 2-Tone, Axis/4AD, Some Bizarre, ZTT, ... Et donc de la première version de ce qui sera appelé quelques années plus tard le rock indépendant ##.

Les média furent aussi indispensables. L'extraordinaire pouvoir de la presse rock de l'époque joua un rôle majeur dans la formation et l'orientation de la culture elle-même #. Certains de ses rédacteurs prirent parti pour cette branche progressiste du punk et en développèrent les concepts théoriques #. A la radio, l'émission essentielle de John Peel sur la BBC, produisit entre 1977 et 1980 plus de grande musique pop et rock que n'importe quelle maison de disques #.


Diversité

Cette époque se caractérise alors par un éclatement stylistique dû à une profusion d'influences éparses et une volonté de donner naissance à de nouvelles pratiques rock et pop, éclectiques et métissées #. La multiplication des étiquettes de l'after-punk marque à la fois l'insatisfaction engendrées par le punk et la pluralité des nouvelles tendances qui se multipliaient pour briser le carcan #.

A travers la diversité des œuvres produites, il est possible de distinguer trois grandes vagues plus ou moins successives : new wave, postpunk et new pop. Evidemment, ces trois courants furent bien trop poreux pour être définis de manière rigide, et aucun manifeste ne fut explicitement partagé par les artistes. Il semble alors essentiel de les appréhender non comme des styles mais comme des dominantes de la culture musicale : conception qui permet la présence et la coexistence de caractéristiques très différentes et néanmoins subordonnées.

L'hexagone aussi a été touché par la vague avec la scène des « jeunes gens modernes ». En Allemagne, la « neue deutsche welle » fut davantage en phase avec les tendances de l'époque, participant activement aux scènes internationales.


Héritage

Se sentant tout à la fois investis d'une mission et pleinement ancrés dans le présent, la new wave et les dérivés post-punk créèrent un climat d'urgence fébrile # où fourmillèrent nombreuses tentatives toutes très différentes de concevoir le rock (et le punk), respectant ainsi sa démarche originelle : remplacer une musique populaire à l'image établie #.

Une véritable insurrection qui promettait de purger la pop de la complaisance et de la nostalgie du milieu des années 70 et de ramener la musique dans la rue, aux jeunes et au moment présent #. Ainsi en faisant dérailler beaucoup d'aspirations ou de prétentions du rock à être un art intemporel, le mouvement new wave a généralement cherché à redonner à la musique sa fonction originale en tant que culture strictement populaire #.

Un certain nombre de formations de l'époque sont devenus par la suite extrêmement populaires, mais des dizaines de groupes, pourtant auteurs d'albums déterminants, n'ont jamais dépassé le stade de « groupe culte », influences de poids lourds du rock alternatif dès la décennie suivante #.

Ce long après-coup du punk se termine au plus tard en 1984, lorsque les différentes trajectoires qui avaient été prises se trouvèrent dans l'impasse, ou simplement en manque d'inspiration. En fait, depuis le début 80's, en réaction à la démystification postpunk et au schématisme new pop, l'alternatif issu du punk avait progressivement évacué les éléments les plus radicaux et réintégré d'authentiques éléments de la mythologie rock pré-punk et old wave #. Ce qui semblait alors le plus productif était la relecture de l'héritage blanc #.

Rétrospectivement, au lieu d'avoir été le mouvement nihiliste qu'il pensait être, le punk aura été au contraire une matrice ouverte vers le futur, de laquelle, les genres les plus improbables et les plus féconds se seront échappés #. Les années 1976-1984 peuvent se permettre la comparaison avec les légendaires années 1963-1967. Cette période n'a rien à envier aux sixties en termes d'audace, d'idéal esthétique et d'explosion de la créativité en quantité autant qu'en qualité #. On peut même dire sans le moindre doute, et en y adjoignant le punk, que la quasi majorité du paysage pop et rock plongent, directement ou indirectement, et à des degrés divers, ses racines dans la musique de ces années charnières #. La new wave ayant également contribué dans une large mesure à l'éclatement de la communauté rock en une profusion de cultes, de sous-cultes et de revivals #.


Voisinage

Il est important de signaler que la musique noire-américaine a connu une révolution comparable, articulée autour de nouvelles expressions artistiques urbaines, le hip hop : rap et electro

New wave et hip hop partagent une naissance new yorkaise, de nombreuses influences fondamentales, la remise en question profonde des codes musicaux, la popularisation de la création, l'ouverture par le métissage et une approche horizontale de la culture. Il ne serait donc pas aberrant de les considérer comme faisant partie d'une rupture globale de la musique populaire de la fin 70's au début 80's.

 

Mise à jour de cette page 06/08/2023